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Extraits du livre Savoie

 

...L'origine du célèbre edelweiss est traditionnellement la suivante.

 

Haut dans les neiges éternelles se trouve une Dame Blanche sur un trône - la reine des neiges - et elle est entourée par de nombreux petits génies qui portent tous des lances de cristal. Alors, si un chasseur ou un alpiniste audacieux, essaye de grimper vers la Dame Blanche, elle le regarde et lui sourit, il est fasciné. Sans se soucier des nombreux dangers, il grimpe toujours de plus en plus haut. Il ne voit rien d'autre que ses cheveux blonds ou sa couronne brillante, et les génies jaloux tout autour l'encouragent jusqu'à ce que, pour finir, il fasse un faux pas, tombe et périsse en quelque crevasse. Alors la Dame Blanche pleure, ses larmes roulent sur le glacier jusqu'à ce qu'elles atteignent les rochers où elles se transforment en edelweiss semblables à des étoiles.

 

.../...Il y a une tradition très intéressante concernant Guillaume le Conquérant dans laquelle ces vouivres sont mentionnées. Guillaume, dit l'histoire, était décidé à maîtriser le démon qui l'avait accompagné toute sa vie car il désirait passer sa vieillesse dans la paix et la tranquillité. Il se rendit dans une forêt désolée à l'écart, mais d'abord, il dût vaincre par la prière, les vouivres et autres serpents qui y habitaient. Il les charma et tous se jetèrent dans un grand lac voisin.

 

En de nombreux endroits toutefois, on croit encore aux vouivres. On y a perdu la crainte superstitieuse des serpents que souvent on fait cuire et que l’on mange. Encore une fois cette coutume remonte aux temps anciens, en effet dans Edda la Scandinave, dans les chants de Gudren et Humker, le héros Sigurd tua un grand serpent et mangea son cœur de façon à pouvoir apprendre le langage des oiseaux.

 

Dans certaines régions, les gens de la campagne parlent encore de ce qu'ils appellent «l'or du soleil.» Cette croyance a probablement sa source dans quelque mythe solaire, mais la légende suivante pourrait lui donner une origine différente.

 

Un certain chevalier – Runo di Gastilen – aimait les richesses à tel point que le diable le persuada facilement de donner en gage son âme en échange de devenir l'homme le plus riche du pays. Le diable apparut à Runo sous la forme d'un homme barbu, aux pieds palmés, avec un bâton noueux à la main. L'affaire fut vite conclue, et d'un seul mouvement de son bâton noueux le diable transforma tout l'aspect de la montagne sur laquelle ils se trouvaient. En un instant, les rochers, les arbres et les fleurs furent changés en or brillant dont la splendeur concurrençait même celle du soleil. Le chevalier fut comblé de joie pendant quelque temps, mais l'éclat brillant de ses trésors l'éblouit tellement qu'il devint presque aveugle, et il mourut rapidement de chagrin à cause de son triste sort.

 

Le trésor fut enterré, mais une fois par an, à minuit le Vendredi-Saint, il fait son apparition sur les montagnes. Alors les rochers, arbres et fleurs s'éclairent d'une lumière surnaturelle ; mais à l'aube l'or disparaît, et personne n'a jamais été capable de s'emparer d'aucun des trésors tellement vénérés du chevalier Runo.Les gens des campagnes croient aussi que c'est dans les lieux désolés et les glaciers que les damnés doivent passer de nombreuses années de dur labeur jusqu'à ce qu'ils gagnent par leur travail leur chemin vers le paradis.

 

Ces âmes perdues sont sous les glaciers, et elles doivent chaque nuit creuser la glace avec un pic jusqu'au chant du coq. A ce moment, elles arrêtent leur labeur jusqu'à la nuit suivante et alors elles retournent de nouveau à leur travail glacé, et elles continuent jusqu'à ce qu'elles aient fait une ouverture dans la glace par laquelle elles peuvent monter aux cieux.

 

Il existe beaucoup de prières de paysans pour ces pauvres âmes, et les gens vont souvent faire des tranchées dans la glace pour aider le travail de leurs amis.

 

Dans les temps médiévaux des processions de fantômes de saints morts semblent avoir été fréquentes dans les montagnes. Ceux-ci marchaient généralement deux par deux et de leur tête sortait une lumière merveilleuse.

 

Il y a une histoire d'un jeune moine qui était sur le point d'abandonner son ordre, mais avant de partir, il se rendit une fois encore devant l'autel pour s'y agenouiller, et il vit dans une apparition les saints qui marchaient avec des halots brillants autour de leur tête et de leurs mains. Beaucoup de gens des campagnes croient encore à ces processions fantomatiques et ils disent quelles peuvent être vues les nuits de pleine lune, allant et venant de haut en bas, en répétant les prières des Rogations. D'autres disent que ces «cours» sont conduits par une personne vivante richement vêtue, ou d'autre fois par une langue de feu.

 

Il y a un conte qui relate comment une petite fille dont la mère tomba malade une nuit ne put pas trouver de lampe, et comme elle allait en chercher une chez un des voisins, elle vit ce qu'elle crût être des gens marchant tranquillement à côté d'elle.

 

Elle demanda de la lumière, et on lui en donna immédiatement ; mais grande fut sa surprise en retournant chez elle de voir qu'elle portait non pas une chandelle allumée mais le petit doigt lumineux de l'un des revenants. Le lendemain l'enfant pensa qu'elle ferait mieux de demander ce qu'elle devait faire du doigt; elle alla donc chez une femme qui était soi-disant en communication avec les esprits des morts et lui demanda son avis. La femme lui dît d'attendre le «cours» cette nuit-là, et de rendre alors le petit doigt à son propriétaire. Quand l'enfant le donna à un revenant, ce dernier lui dit d'être reconnaissante de n'avoir subi elle-même aucun mal. Grâce au hasard, le doigt appartenait à sa marraine qui était morte, alors que s'il s'était fait qu'il soit à quelqu'un d'autre, elle aurait enduré de nombreux tourments.

 

Il y a de multiples superstitions au sujet des adorables fleurs de montagne qui poussent en si grande quantité de toute part. On croit qu'un œillet particulier qui est commun dans les cimetières pousse à partir du cœur des morts, et par conséquent, on doit être attentif à ne pas en endommager même un pétale.

 

On nous a dit aussi que certains croyaient que les petites roses alpines étaient empoisonnées, que les baies du gui renfermaient le dernier adieu d'un amoureux expirant et que le lys de montagne pousse sur le cœur de quelqu'un mort oublié de tous.

 

Il y a une curieuse légende qui est attachée aux fougères de montagne dont on dit qu'elles s’épanouissent de manière luxuriante avec de belles fleurs rouges la nuit de la Saint-Jean seulement. Ces fleurs ressemblent à des étoiles par leur brillant éclat, et le diable les ramasse toujours immédiatement ; quiconque désire en avoir devra livrer un terrible combat, mais une fois qu'il se sera procuré les fleurs ou même leur graine, il pourra se rendre lui-même invisible à tout moment qu'il souhaitera.

 

Une autre tradition illustre l'amour que les esprits ont pour les fleurs. Elle raconte comment un jeune homme grimpait les rochers au bord d'un précipice pour pouvoir cueillir les jolies fleurs de la campanule blanche. Il arriva face à face à une belle grande jeune femme toute vêtue de neige et couronnée d'aiguilles de pins. «Ne touche pas ces fleurs, dit-elle, car ce sont les fleurs de Dieu et lui seul peut les cueillir.» Sans se soucier de sa recommandation le jeune en cueillit un bouquet. Immédiatement, le ciel s'obscurcit et la terre sembla s'effondrer sous lui tandis que blessé et en sang, il tombait dans les abysses. Depuis lors, la rose des Alpes a toujours été rouge à cause de son sang.En de nombreux endroits, les campagnards parlent d'un être habitant les montagnes qu'ils appellent «génie de la montagne.» C'est lui qui donne ses ordres aux tempêtes, qui prend soin des sources et des fontaines, qui garde les mines d'or et les cavernes à cristaux, et qui lorsqu'il chasse, surgit avec un fracas terrible au travers des précipices.

 

Il y a une histoire d'un jeune berger qui abandonnait souvent les troupeaux de son père pour aller chasser le chamois là-haut dans la montagne, sur les pics couverts de nuages des Alpes voisines. Plus son père le lui interdisait, plus il se vouait avec passion à son activité favorite et dangereuse, et un jour alors qu'il était au milieu de terribles précipices, il fut surpris par une tempête de grêle et de neige. Tout à coup au moment le plus sombre de la tempête, il vit le «génie de la montagne» qui lui dit une voix de tonnerre : «qui t'a donné la permission de venir ici et de tuer les animaux qui m'appartiennent? Je ne vais pas chasser les vaches de ton père, pourquoi donc viens-tu chasser mes chamois ? Je te pardonne pour cette fois, mais ne reviens jamais ici de nouveau.» Après cela, la tempête s'éloigna. Avec l'aide du «génie», le jeune retrouva le chemin de chez lui et il ne délaissa jamais plus les troupeaux de son père pour chasser le chamois.

 

Un dimanche matin dit une tradition du dix-septième siècle, deux chasseurs arrivèrent à une colline appelée depuis Roussillon. Ils virent à distance de tir deux magnifiques chamois qui, lorsqu'ils leur tirèrent dessus, levèrent simplement leur patte droite et bougèrent un peu, comme par défi. Les chasseurs étaient très surpris de voir qu'ils avaient manqué leur cible. Exactement, la même scène se répéta trois fois, et les chasseurs se regardaient l'un l'autre lorsqu'ils entendirent la cloche de l'église sonnant pour la messe.Ils eurent le sentiment que les chamois étaient deux êtres mystérieux qui étaient venus là pour leur rappeler le caractère saint du dimanche et qu'ils auraient dû être à la messe.Ces hommes furent effrayés, et ils firent le vœu de construire un oratoire là où les chamois s'étaient tenus, et comme les animaux avaient disparu dans une lueur pourpre, l'endroit a depuis été nommé Roussillon.

 

Près de Saint-Colomban il y a quelques-unes des plus vastes forêts de Savoie. On nous avait avertis de ne pas y entrer profondément à cause des ours et des loups, bien qu'ils ne nous auraient probablement pas attaqués en été.Dans les temps reculés, il existait des lois sages pour la préservation des forêts, car elles étaient les seules barrières protégeant les paysans de la mort certaine accompagnant la chute des avalanches.Ces portions de forêts mises en réserve dans ce but étaient solennellement bénies, et, du fait de l'ancienne race Burgonde qui créa la coutume, ces espaces préservés étaient connus comme «bois bannis» ou «bois défendus.»

 

Dans les grandes forêts de Saint-Colomban, il y a un nombre considérable de charbonniers qui, comme les bergers nomades, forment une classe à part. Ils achètent un morceau de terre au cœur de la forêt, soit à l'Etat, soit à quelque particulier, et ils habitent là dans les plus sommaires des huttes qu'ils laissent à l'abandon quand ils partent ailleurs.Leurs vies sont très dures et solitaires, et le seul moment où ils voient d'autres humains, c'est le dimanche, quand ils viennent au village pour acheter du pain, du lard, ou du sel. Ils parlent un langage à part qui est à peine intelligible même aux gens des campagnes. Leurs manières sont extrêmement rudes, ils n'entrent jamais dans une église et ils sont toujours regardés avec une très forte crainte par les habitants des villages proches desquels ils ont installé un logis pour quelque temps.Il n'y pas de doute que c'est du fait de leur vie solitaire et de leur visage noirci et insondable, qu'ils ont toujours joué une part si essentielle dans nombre de légendes du pays. Il est toutefois juste d'ajouter que ces producteurs de charbon de bois sont remarquables pour leur honnêteté et leur total mépris pour une gratification en argent ; mais alors qu'ils refuseront une pièce avec dédain, ils accepteront avec joie un cigare ou un peu de tabac de la manière la plus amicale.

 

Les deux dernières nuits où nous étions à Saint-Colomban, nous ne pûmes presque pas dormir du tout, car il allait y avoir une foire à Saint-Jean de Maurienne, et toute la nuit des paysans descendaient des villages alentour suivis de leurs troupeaux. Ils passaient devant nos fenêtres et à part quelques exceptions, ils s'arrêtaient et criaient à la patronne de descendre leur donner à manger, de plus ils étaient suivis d'une troupe de chasseurs alpins qui campait juste en face de nos fenêtres.

 

Où que nous soyons allés, on rencontrait toujours ces soldats, et on les trouvait pittoresques quand ils cuisaient leurs dîners sur les feux de bois. Lorsqu'ils arrivent n'importe où, leur premier travail est de s'occuper des mules et c'est très curieux de voir les animaux immobiles en rang pendant que les hommes les frappent partout de leurs mains pour les empêcher de prendre froid après leurs longues randonnées. Ces troupes le plus souvent stationnent seulement deux ou trois jours en un lieu et elles partent généralement à l'aube.

 

Pour nous la seule façon de retourner à Saint-Jean de Maurienne c'était au moyen d'un des «chars» du pays. Un «char» est une petite charrette à deux roues ; si quelqu'un veut un siège, on met une planche en travers, ce qui est assez confortable quand elle est mise correctement, sinon l'avertissement de «se cramponner fermement» est tout à fait indispensable, parce qu'on est susceptible de glisser dehors en arrière. Le conducteur s'assied devant avec les jambes pendantes, et il installe toujours deux petites lanternes une de chaque côté de lui. La nuit, si éventuellement, il a une allumette, il peut éclairer les lanternes, mais comme elles s'éteignent d'habitude tout de suite ça ne fait pas une grande différence.

 

A l'auberge, quand on a dit que nous voulions un char, on essaya avec insistance de nous persuader de prendre la malle-poste qui partirait «à six heures à peu près».Comme nous désirions partir à cinq heures pour prendre le train à la Chambre pour Saint-Jean, nous réclamions un char, c'était un accommodement qui allait de soi, on nous en présenta finalement un qui, dirent-ils, était le seul char qui fut disponible. Il avait seulement une roue complète, de nombreux rayons de l'autre étaient cassés, et les ridelles étaient irréparablement branlantes : donc nous fûmes forcés de prendre la malle-poste.

 

..../....L’église porte le nom curieux de «Notre Dame du Poivre» ce qui est expliqué par ce récit.

Termignon : « très-mignon ». Après la construction de la route sur ordre de Napoléon Premier, le transport des marchandises de France en Piémont et vice-versa fut effectué généralement par des muletiers de Haute Maurienne qui étaient très robustes et habitués à franchir les cols dangereux.

 

Un automne, des habitants de Termignon rentraient du Piémont avec leurs mules chargées d’épices, qui étaient un luxe coûteux à cette époque. Ils furent pris dans une tempête terrible au Mont Cenis. Les mules aveuglées et surchargées de neige, refusèrent d’aller plus loin malgré tout ce que leurs accompagnateurs pouvaient faire. Se trouvant loin de l’hospice, et sans secours possible, ils comprirent que selon toute probabilité ils allaient mourir de faim et de froid.

 

A cette époque, sur la route de la Vanoise près de Termignon, on construisait la chapelle de la Visitation qui prit la place d’un très ancien oratoire du même nom auquel les gens de l’endroit se rendaient souvent en pèlerinage. Les voyageurs invoquèrent Notre Dame de la Visitation et firent le vœu que s’ils étaient sauvés, ils offriraient la même valeur que celle de leurs marchandises pour décorer la chapelle. Leur prière fut entendue, la furie de la tempête diminua et les voyageurs ainsi que leurs mules atteignirent l’hospice en sécurité. Le jour suivant, ils furent capables de continuer sur Termignon. Ils accomplirent fidèlement leur vœu, et depuis lors la chapelle a toujours été connue comme «Notre Dame du Poivre.» La somme qu’ils obtinrent fut si importante que sa décoration intérieure fait l’admiration de tous ceux qui s’y rendent ; il y a un ex-voto peint, très ancien, suspendu sur le côté droit en entrant qui représente les hommes et les mules au milieu de la tempête, pendant qu’au-dessus d’eux la Vierge et l’Enfant veillent sur eux.

 

En 1708, une dame espagnole voyageait sur cette route en direction de Rome, où elle se rendait dans l’intention de faire une offrande de 30.000 francs au Pape. Elle la transportait en pièces d’or avec elle. A Lanslevillard, après Termigon, elle fut si mal reçue, qu’elle se rendit rapidement à Lanslebourg, où elle trouva refuge chez la famille Sibille.

 

Alors qu’elle résidait chez eux, elle mourut subitement, et selon sa volonté, elle leur légua tout ce qu’elle possédait à condition que ce soit investi en terres dont les revenus devaient être dépensés chaque année à date fixe en pain, sel et lard qu’on devait distribuer à tous ceux qui franchissaient le pont Ramasse.

 

Cette coutume curieuse existe encore sous le nom de Dona, mais elle a été un peu déformée depuis la Révolution ; au lieu de pain, de sel et de lard, on donne deux litres d’huile de noix à chaque personne née à Lanslebourg qui passe le pont à Pâques, les revenus du legs se montant à présent entre 1.200 et 1.600 francs par an....

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